DES BIJOUX DE PETITS CAILLOUX
Texte de Valérie Appert. Photo de Gilles Leimdorfer.
Il y a dans le chemin qui mène à son atelier des cailloux dodus que les buissons dissimulent à moitié.
Mais qu'ont-ils de plus que les galets que l'on croise sur son établi ? Même rondeur imparfaite, mêmes veinures blanches qui strient le bombé de la pièce, même semis de taches façon granité sur les cailloux les plus pâles. Sauf que ceux-ci sont en porcelaine émaillé ou en grès chamotté, fragiles et sonnant creux, troués d'une ouverture aussi ronde qu'un "o" et d'un gris bleuté, couleur sable ou chocolat. On peut y verser de l'eau, y glisser un branchage, les poser sur un bahut ou les disposer à Ia queue leu leu pour dessiner comme un chemin de pierres où les veinures, d'un galet à l'autre, se prolongent. C'est ainsi que Béatrice Bruneteau les expose: en groupe, en file indienne, en monticule, parfois assortis d'une poignée de vrais petits cailloux.
Des galets, elle en a plein ses étagères, clin d'oeil à son enfance cévenole semée de cailloux, de roches et de falaises, de toits en lauze de gypse, d'éboulis et de glaciers crevassés. Alpiniste, elle a escaladé le Mont-Blanc et ses parois aiguës où les failles bavaient des filets de neige; elle les a reproduites dans une sculpture longiligne en grès qu'elle appelle Les Sommets.
Elle moule aussi des " pavés , d'un blanc crayeux, réalisés à partir de l'observation de pavés véritables, ces cailloux urbains taillés en cube dont on se dit qu'ils tiennent bien en main et qu'avec on peut faire la révolution. Béatrice, elle, les appréhende avec toute la délicatesse qui sied à la douceur de la matière polie. Pour le point de vue, elle suggère d'empiler ses pavés ou de les poser un temps sur une face, un temps sur une autre - petit conseil d'une ex-étudiante en architecture.
Après ses études, elle a passé dix-huit ans à travailler dans I'immobilier. Mais il y a quatre ans, elle a suivi une
formation à I'Institut de céramique française à Sèvres. Une révélation. Depuis 2007, elle moule, expose (à la Galerie Embargo, au Salon Court-Circuit, aux Ateliers de Paris, bientôt à la Biennale de Steenwerk et dans les Salons de potiers printaniers) et vient d'intégrer la pépinière des Ateliers d'Art de France.
Sa collection rocheuse s'accompagne aujourd'hui de pièces utilitaires pour la table: de petites tasses sur des soucoupes-pétales et des gobelets de grès où elle grave dans l'émail encore frais des branchages imaginaires.